Bernard Mathon, 76 ans, habite avec son épouse à Sailly-Lez-Lannoy, petite bourgade de la campagne près de Roubaix, sa ville natale. Ils ont deux filles, de 51 ans et 49 ans, qui leur ont donné au total 5 petits-enfants. Bernard a construit sa carrière professionnelle comme technico-commercial pour l’entreprise américaine Kodak, grand nom de la photo, qui faisait aussi du matériel médical pour la radiologie. Bernard a vécu le passage historique de la photo argentique à la photo numérique. Il a été mis à la retraite à 58 ans. « Je dois beaucoup à mon entreprise qui m’a fait confiance et m’a laissé beaucoup de liberté. J’ai reçu beaucoup, alors je crois que j’ai eu besoin de donner beaucoup. »
Ce besoin d’engagement vient des tripes, lié à la figure paternelle. Le père de Bernard était représentant de commerce et toujours tourné vers les autres. « J’ai toujours été un manuel plus qu’un intellectuel, j’aimais bricoler, et puis comme mon père, j’aimais aller vers les autres. » Bernard a été élu au conseil municipal de sa commune Sailly-Lez-Lannoy pendant quatre mandats. Quand ses filles étaient à l’école, il s’est beaucoup investi dans la gestion des écoles et dans les comités de parents d’élèves.
Puis Bernard est rentré au PACT, mouvement de « propagande et action contre les taudis ». Aujourd’hui, le réseau des PACT est devenu SoliHa (Solidaires pour l’Habitat). Bernard commence à s’engager pour l’habitat des personnes défavorisées après avoir rencontré l’association Emmaüs.
À 58 ans, au moment du départ à la retraite, Bernard rejoint l’association des « Retraités Engagés Bénévoles ». Un ami lui propose de créer une antenne locale du Secours Catholique à Roubaix. Il se spécialise sur le logement et intègre le Centre Communal d’Action Sociale de Roubaix.
« Au sein du Secours Catholique, j’avais la thématique logement, c’est comme ça que j’ai rencontré Franck Billeau, fondateur de Réseau Eco Habitat. On s’est tout de suite entendus et on a commencé à travailler ensemble. » Bernard met en contact Réseau Eco Habitat avec le GRAAL, Groupe de Recherche pour l’Aide et l’Accès au logement.
À la fin de 2017, une famille saisit Réseau Eco Habitat. La mère, une veuve d’origine tunisienne de 59 ans, possède une maison très délabrée où elle vit avec deux de ses enfants souffrant de trisomie. Sur un budget de 83 000 euros de travaux, 77 000 sont obtenus en subventions grâce à la coordination de plusieurs financeurs.
Au début, la communication est difficile avec la mère, qui parle peu français. Avec l’aide de ses enfants pour la traduction, Bernard construit un dialogue. « C’est une dame qui a vécu des choses difficiles dans sa vie, alors au début, elle n’imaginait pas qu’on puisse l’aider à trouver ses droits et sa dignité. »
Durant les travaux, Bernard a soutenu cette famille émotionnellement et avec bienveillance, en particulier lorsque la mère craignait pour ses finances ou son relogement temporaire. « C’est ce rôle-là que j’aime, celui du bénévole. »