Claude, bénévole à Réseau Eco Habitat et aux Restos du Coeur
1/Quel est ton parcours de vie ?
Je m’appelle Claude, j’ai 66 ans, je suis fils d’agriculteur, né dans une famille de 4 enfants. Après des études d’ingénieur chimiste, à Lille, j’ai commencé ma carrière professionnelle chez un équipementier automobile, en tant que responsable de laboratoire, pendant 10 ans. Puis j’ai travaillé pendant 30 ans comme ingénieur technico-commercial dans un groupe américain, Dupont de Nemours. Je suis marié, ma femme travaille dans les finances publiques. Nous avons deux enfants : une fille professeur des écoles, et un fils ingénieur en électronique qui travaille chez Ariane Espace. Je suis à la retraite depuis 5 ans. Je suis plutôt sportif, je pratique le tennis, j’aime aussi la marche de grande randonnée, et la haute montagne.
2/ Pourquoi es-tu devenu bénévole ?
J’ai eu plutôt de la chance dans la vie, alors ça me paraissait normal, le moment venu, d’aider ceux qui n’en ont pas eu. Au début je voulais surtout faire du soutien scolaire auprès d‘enfants issues de familles défavorisées. J’ai commencé par déposer une annonce sur Leboncoin.fr : « je donne des cours gratuits de mathématiques/physique/chimie pour enfants de famille très modestes (avis d’imposition égal à zéro) ». Je n’ai reçu aucune réponse !
Ensuite, par l’intermédiaire du site « France Bénévolat » je me suis rapproché de l’association AGIR abcd, qui a une antenne dans la région de Creil. J’y fais du soutien scolaire, et du parrainage : ça consiste à aider un jeune en difficulté dans sa recherche d’emploi (amélioration du cv, simulation d’entretien).
3/Pourquoi le micro-crédit ?
Aux Restos du Cœur de Compiègne, un groupe d’enseignantes avait démarré du soutien scolaire auprès des familles les plus défavorisées. J’ai proposé mes services et j’y vais maintenant deux fois par semaine. Mais c’est surtout là que j’ai découvert une autre activité : l’aide au microcrédit.
J’ai trouvé ça très novateur. Aider quelqu’un à faire son CV c’est bien ; mais si cette personne n’a pas de quoi s’acheter une voiture, alors il ne pourra pas travailler. J’ai compris que c’est comme ça que j’allais pouvoir être très utile : aider les personnes à obtenir un microcrédit auprès d’une banque, pour pouvoir s’acheter une voiture, trouver une emploi, et sortir de la précarité de manière durable. Je suis maintenant devenu responsable du microcrédit pour les 4 centres de la région de Compiègne.
Concrètement : je rencontre la personne, je discute pour créer la confiance, et comprendre son besoin. On commence par faire le budget de la personne pour connaitre sa capacité de remboursement. Il faut ensuite rassembler tous les justificatifs demandés par la banque (Crédit Agricole, BNP, Caisse d’épargne…). Cela prend du temps car l’outil informatique n’est souvent pas maîtrisé par les personnes en précarité, et elles doivent se déplacer pour récupérer tous les éléments du dossier financier (CAF, Pôle Emploi…). Les banques sont procédurières et ne tolèrent aucun manquement au dossier. Je dois donc être rigoureux. Sur ce point mon rôle est déterminant. Après l’envoi du dossier, la banque me contacte pour avoir mon avis. Si la demande est acceptée, le financement est effectué en quelques jours. L’emprunt maximum est de 5000€, sur une période maximum de 5 ans, à un taux de 4%.
4/Ta rencontre avec Réseau Eco Habitat ?
C’est au Secours Catholique de Compiègne que j’ai entendu parler de Réseau Eco Habitat. J’ai tout de suite trouvé la démarche de REH de s’attaquer à la racine du problème de la grande précarité énergétique, très intéressante.
Mais au début, je ne voyais pas bien comment repérer des familles. Puis, comme je suis bénévole dans plusieurs associations, j’ai eu une idée : environ 5% des familles bénéficiaires aux Restos du Coeur sont propriétaires de leur logement. Il m’a suffi de prendre contact avec ces familles pour leur parler de l’action de Réseau Eco Habitat auprès des propriétaires occupants.
C’est comme ça que j’ai contacté Jacky, bénéficiaire des Restos du Cœur, qui vivait seul et qui n’arrivait pas à se chauffer dans sa maison en mauvais état. Jacky, souhaitait faire un microcrédit pour remplir sa cuve de gaz. Mais faire un emprunt sur 3 ans pour une cuve de gaz vidée en 3 mois, ça n’avait pas de sens. Par contre, ce qui était clair c’est que je venais de repérer une personne qui allait pouvoir être aidée par Réseau Eco Habitat : un propriétaire très pauvre qui n’arrivait pas à payer son chauffage l’hiver.
5/ Raconte-nous l’histoire de Jacky
Je suis donc allé rencontrer Jacky chez lui, dans un petit village de l’Oise. C’est un homme simple, célibataire de 60 ans, qui était cantonnier, et qui est au chômage depuis plusieurs années. Il n’a pas de téléphone portable, pas d’ordinateur, il ne sait pas du tout se servir d’un ordinateur.
Mon rôle de « tiers de confiance » auprès de lui a été assez clair : il fallait l’aider dans toutes les démarches administratives, lui faire signer de nombreux documents, créer le compte Anah, remplir le dossier pour la région, vérifier les emails. De plus *J* a deux sœurs qui n’habitent pas très loin, avec lesquelles les liens s’étaient distendus. Mon rôle de tiers de confiance a été d’aller les voir, pour bien leur expliquer ma démarche, pour leur expliquer ce qui allait se passer avec Réseau Eco Habitat : la recherche des financements, des devis, des travaux. Elles ont bien compris et se sont impliquées. Il a fallu également contacter l’organisme de tutelle en charge d’une autre soeur handicapée (également copropriétaire de la maison).
Les travaux à faire dans la maison étaient lourds : isolation des murs, combles perdus, réfection de toute l’électricité, de la salle de bain, remplacement du chauffage à gaz par une pompe à chaleur. Les travaux, d’un montant d’environ 45 000 euros ont été complètement réalisés en 3 mois. Et ainsi Jacky a pu passer son premier hiver au chaud. C’est une vraie satisfaction pour lui et pour tous.
6/Ca veut dire quoi être “tiers de confiance” ?
Je ne souhaitais pas faire de distribution alimentaire car même si cette action est très utile pour des gens dans le besoin, c’est une aide à court terme qui ne permet pas de remettre pas en selle les égarés de la vie.
Par contre, accompagner quelqu’un en tant que « tiers de confiance », comme pour Réseau Eco Habitat, c’est autre chose.
Pour expliquer en quoi ça consiste, je vous raconte l’histoire de Nadine. C’est une dame au chômage, ancienne caissière de 61 ans, qui habite avec son fils de 45 ans, chômeur également. Elle a des dettes de factures d’électricité et d’eau. Je l’ai rencontré par une relation commune. Lors de notre premier contact, je lui ai proposé de l’inscrire aux Restos du Cœur pour diminuer ses dépenses courantes. Comme elle est propriétaire d’une maison en très mauvais état, j’ai pensé qu’elle pourrait également bénéficier de l’aide de REH pour rénover son logement. En discutant avec elle, elle m’a expliqué qu’elle était propriétaire en indivision avec sa sœur. ça a alors rajouté une difficulté : il a fallu renouer avec sa sœur avec qui elle était en mauvais terme, lui expliquer et la convaincre qu’il y avait des solutions pour aider Nadine à sortir de sa situation et entreprendre une rénovation globale de la maison. Aujourd’hui, Nadine est accompagnée au long cours par REH dans ce projet de rénovation globale, financé en partie par l’Anah.
Pendant que REH met en route les différentes actions de ce projet (recherche de tous les financements possibles, contacts avec les artisans, discussion du prix des devis) mon rôle de « tiers de confiance » prend toute sa mesure: Nadine m’appelle quand elle a un besoin. Par exemple, je lui ai trouvé une assurance moins chère pour sa voiture, j’ai appelé EDF pour faire baisser la puissance de son compteur, j’ai aidé son fils en recherche d’emploi à améliorer son CV, j’ai également déposé la déclaration de travaux en mairie… Bref des petits services qui facilitent la vie quand vous êtes en difficulté. Je sais qu’elle a maintenant confiance, et c’est comme ça qu’on arrive à faire avancer les choses pour elle.
7/ C’est quoi les qualités du « tiers de confiance » ?
- Savoir désamorcer la méfiance
- Savoir convaincre, être crédible
- Savoir être clair, directif : pour aider des personnes paumées, qui ont besoin d’être guidées et boostées.
C’est clair qu’il y a une dimension altruiste – chercher à aider les autres ; mais il y a aussi une part d’égoïsme : car aider les autres, ça fait du bien !
Et puis dans le bénévolat, il faut accepter de payer de sa personne, accepter de s’investir de manière un peu anarchique : je donne mon numéro de téléphone c’est indispensable, et je ne sais pas quel jour ni à quelle heure on va m’appeler. Être « tiers de confiance », c’est clairement donner beaucoup de son temps !